vendredi 14 juillet 2017

Transat Le Marin- Canet en Rousillon

Énormément de choses se sont passées ces derniers mois
sans que je prenne la plume...

 14 Juillet - 24 août 2017 /  La Transat

Jean et moi avons donc quitté le Marin en direction de Canet en Roussillon.
Une première "transat" dans la vie d'un marin, c'est un moment on ne peut plus important,
et on ne pouvait choisir meilleur jour que le 14 juillet..
Bon, j'avais aussi un pari en cours avec notre ami Alain"strateur" au Marin, 
avec lequel j'avais parié un restau si nous n'étions pas partis le 14 !

C'est serein et heureux que j'entreprends cette traversée, qui nous fera retrouver la terre ferme 16 jours plus tard aux Açores.

Les seules craintes que je peux ressentir sont plus celles d'avoir
un bateau peu fiabilisé après 5 années d'intense exploitation commerciale.
Nous savons déjà que nous devrons entrer dans le port d'Horta avec une commande
moteur tribord défectueuse...et je réfléchis aux plans B,C...
qui nous permettrons de répondre aux diverses situations de mer, ou de trafic
qui se présenteront au moment d'y arriver.

A peine la baie de Saint-Anne dépassée, je décide de délester Mont-Blanc
de ses trop nombreuses et étonnamment lourdes assiettes en terre cuite
qui viennent frapper bruyamment la porte du placard au rythme des premières vagues que nous rencontrons.
Je me réjouis alors secrètement à l'idée de penser que des archéologues, d'un futur lointain découvriront avec émerveillement les vestiges de notre vaisselle du XXIé  !

Nous tirons un contre bord vers l'est en compagnie d'un autre voilier qui disparaîtra rapidement dans la brume, avant de virer pour un long et unique bord de 2500 nm (miles nautiques) qui devra nous mener à notre destination,
Horta. 

La nuit commence à tomber au moment de dépasser la pointe nord de la Martinique.
Nous sommes à 15 nm de l'île et l'excellente couverture 4G me permet de lancer les derniers appels et même un FaceTime avec Jules depuis la mer... 
émotions..

La Martinique commence à disparaître dans notre sillage, 
et nous organisons notre premier quart.
Je prendrai le quart de minuit à 4h du matin, et celui de de 8h à midi,
La journée, nous nous relayerons selon notre niveau de fatigue, et de vigilance
de chacun, sans que les les rythmes soient nécessairement établis.
Nous garderons ce rituel qui nous conviendra durant toute notre traversée

Les alizés sont établis, qui nous feront rapidement dépasser la Dominique, Marie Galante et la Guadeloupe.
Nous n'avons pas vu un seul bateau depuis que nous avons viré au large de Sainte-Anne
et nous n'en verrons plus un seul autre durant les 15 prochains jours.

Après deux belles journées de navigation au cap 360, notre troisième nuit sera marquée par la traversée d'une zone de grains violents, qui nous obligera à passer la nuit à prendre puis relâcher des ris dans notre GV.
Nous naviguons à 700 nm à l'est des Bahamas qui viennent d'être touchés par une belle dépression tropicale, et les masses d'air sont encore très instables.
Le radar indique des orages à 360°, ne nous laissant d'autre option que de continuer notre route, en ajustant la voilure "au gré des grains".
L'équipage passablement éprouvé passera la journée suivante dans un demi-sommeil salutaire, le bateau avançant encore à bonne allure avec des vents redevenus réguliers !




4è jour
Le pilote décroche subitement
Je vois apparaître une alerte sur l'écran indiquant ...

J'ouvre la cale moteur,
et aperçois le secteur de pilote désolidarisé de la barre qui le relie à la barre à roue...
un peu comme si vous vous retrouviez avec le volant entre les mains,  
sans direction !
Une fois le moment de stupeur passé,
je plonge dans la cale et retrouve instantanément la grosse rondelle et la goupille qui s'étaient fait la malle...
Après la réparation, les équipes de DYC ont remonté le safran avec une goupille 
bien trop large, qui ne demandait qu'à sortir de son emplacement.
Je trouve une goupille ad-hoc dans mon stock de pièces, 
nous reprenons notre route.

5è journée, 
grand beau temps, 
nous nous éloignons avec satisfaction de la zone de perturbations 
qui va faire place à notre première zone de calme...
l'anticyclone n'est plus très loin. qui occupait toute la largeur de l'atlantique
il y a 2 jours encore.

6é jour
Nous sommes presqu'à l'arrêt, le vent est plus faible que ce que les gribs annonçaient...
Durant notre transat, les gribs se montreront :

- supérieurs à la réalité, lorsque des vents faibles (10 nds) étaient annoncés

- inférieurs de près de 10 nds lorsque des vents annoncés étaient supérieurs
  à 12 nds  !

Je démarre pour la première fois un moteur (utiliser les 2 en même temps augmente sensiblement la consommation sans aller beaucoup plus vite pour autant).
moteur qui va tourner 41 heures, jusqu'à ce que nous retrouvions un vent bien orienté,
qui nous permettra de faire une route presque directe vers les Acores.
Beau moment de détente !
pas vraiment besoin de télé..!
La pêche !
Au grand désespoir du Cap'tai, nous n'avons rien péché, ou presque* 
depuis notre départ du Marin...
Des touches toutes les 5', et pas un poisson au bout de notre traîne...
Nous sommes dans la mer des Sargasses qui est littéralement couverte d'un tapis d'algues rouges orangées, qui terminent invariablement accrochées à notre leurre.
Nous avons vite rangé notre belle canne et son Rapalat rouge et blanc
dans les soutes, en espérant des jours meilleurs.

*en fait, nous sommes parvenus à manger du poisson frais. sauf que, nous n'avons pas eu à le pêcher, 
Un poisson volant suicidaire est venu atterrir sur le passavant bâbord de Mont-blanc
nous donnant l'occasion d'innover...
Tapas de poisson-volant !



9é jour de notre parcours, 
Nous avons parcouru plus de 1600 nm, 
et nous nous trouvons à moins de 1000 nm en ligne orthodromique 
(chemin le plus court entre deux point sur une sphère) de la Terre !

Nous n'avons vu ni bateaux, ni dauphins, ni cétacés, pas plus que le moindre oiseau
à l'horizon...juste ces mêmes poissons volants pourchassés par des dorades coryphènes que nous imaginons magnifiques et très malignes,
tant elles semblent peu intéressées par notre superbe rapalat rouge et blanc !

Je découvre aussi d'étonnantes petites créatures flottant sur l'eau,
qui se déplacent à l'aide de leur petite voile violette presque fluo
Il s'agit de physalies que l'on associe souvent à tord à la famille des méduses
du fait du caractère urticant de leurs filaments 

 

La Terre, puisque c'est ainsi qu'il faut appeler cette boule recouverte au 2/3 d'eau,
ne m'a jamais parue aussi grande, aussi vide, nous donnant un sentiment étrange d'être véritablement seuls au monde.
Heureusement, notre iridium nous maintient au contact de nos proches et du fourmillement de la vie humaine qui ne nous manque pas pour autant.

La bataille de l'anticyclone des Acores !
Si nous avons bénéficié de conditions plutôt favorables durant les 10 premiers jours de notre transat, nous devons maintenant batailler alors que nous approchons du but
avec un anticyclone décidé à changer de forme, de position et de taille avec chaque nouveau fichier grib chargé par notre iridium...
grhhhhh !

Nous sommes de nouveau au moteur, 
chassant en vain les moindres petites brises qui ne viennent toujours pas.

13è jour, 
je décide de partir vers l'est alors que QTVLM, 
notre logiciel de routage nous invite clairement à partir vers le nord...
L'intuition, et sans doute la chance nous sourient...
Nous retrouvons un vent qui nous portera les 3 derniers jours jusqu'à notre but.

14è jour 
c'est la nuit, Jean assure le quart lorsque je suis réveillé
par de forts bruits de claquement de voiles..
je me précipite dehors et retrouve Jean tétanisé, à la barre, me disant qu'il ne tient plus 
le bateau, et qu'il ne sait que faire...
Je mets les moteurs en marche, et présente Mont-Blanc face au vent 
pour prendre un 2é ris...
Le grain est assez violent !
Nous ne nous sommes pas rendu compte dans le vacarme et la nuit
que la poulie et la bosse de ris avaient cédé.
Jean, toujours perdu, reprend toute la bosse sans réaliser qu'elle n'est plus tenue à son autre extrémité.. 
Nous avons perdu notre 1er ris !
Une fois arrivés à Horta, je devrai ouvrir les trappes d'accès sous le bateau,
pour passer un messager et re-frapper la bosse à une toute nouvelle poulie.

16è jour Terre !!!
Grand moment à bord... Nous apercevons Horta !
Nous avons parcouru près de 2700 nm en 15,5 jours,
avec une dernière "ligne droite" parsemée d'embûches météorologiques !
Terre !!!
Alors que nous approchons d'Horta, Jean m'appelle une nouvelle fois, dépassé..
"Eric, il faut qu'on vire, on est face au vent !!!"
Il ne s'est pas rendu compte que les instruments s'étaient déconnectés
lui donnant de fausses informations sur le bateau et le vent...
Le bateau marchait parfaitement droit, sous gennaker à 10 nds 
avec une brise constante de travers !
Jean a 70 ans, et a plusieurs transats à son actif, mais il semble visiblement éprouvé.
Il prendra la sage décision de rentrer auprès de sa compagne une fois arrivés à Horta.
Merci Jean !
jean le jour de notre arrivée à Horta
Yes !!! 
We did it !

Nous arrivons à Horta sur un seul moteur,
après avoir installé un système de renvoi de poulies "maison" sous mes pieds 
permettant de manier l'inverseur sans avoir à descendre dans la cale.
La capitainerie du port ne répond pas à nos appels d'assistance...
Heureusement le port est calme, et pas complet.
Après un 1er tour au ralenti, pour choisir notre place, nous jetons l'ancre sans difficulté.
Nous demanderons demain de l'aide à la capitainerie pour trouver une place à quai
El Pico, tel que nous l'avons vu en arrivant à Horta !
Jean m'invite à dêner dans à l'incontournable Peter's Cafe
bar mythique des Acores qui semble avoir accueilli tous les marins de la terre...
Des centaines de photos de célébrités jonchent les murs de cet endroit visiblement 
devenu plus touristique depuis que les jeunes générations ont repris le flambeau.



Nous revenons dormir au bateau pour une longue nuit réparatrice...
Aux premières lueurs, nous sommes déjà réveillés par les équipes de la capitainerie.
Le vent a tourné durant la nuit, plaçant Mont-Blanc au milieu d'une entrée du chenal.
Nous leur expliquons que nous n'avons pas pu les joindre hier, et que nous ne sommes
pas totalement manoeuvrant...
Ils viendrons avec un zodiac pour nous aider à nous appuyer contre le quai.

Jean appelle sa femme, et revient sans grande surprise m'annoncer qu'il souhaite
rentrer en Pologne où ils habitent.

Je lance une annonce sur le site "la bourse aux équipiers",
et trouve quelques heures plus tard Yann, un montagnard amoureux de la mer
qui a crée une société réalisant des travaux sur cordes dans les Alpes.
Yann est super réactif, il atterrira 3 jours plus tard à Horta.
Je passerai 8 jours aux Acores, pour me reposer, laver le bateau, dessaler les housses du salon, réparer notre pavillon seychellois qui est passé malencontreusement dans une poulie, remplacer la commande du moteur tribord, la poulie cassée, et repasser la bosse de ris cassée.
Je constate en inspectant la cale moteur tribord que l'écrou du secteur de safran
est sorti de son emplacement.
Je tire dessus, et il me reste dans les mains !
Les équipes de DYC ont remis un écrou trop court, qui a cédé sous l'importante 
pression produite par le vérin du pilote automatique.
Le morceau d'écrou cassé est resté dans le secteur de barre, rendant très difficile son démontage
Mèche de safran ovalisée par le boulon cassé
Je reçois l'aide bienvenue d'un voisin qui a passé sa vie dans la marine marchande allemande, qui emmène sur son bateau un atelier digne d'une écurie de F1.
Nous finirons par désolidariser le secteur de la mèche de safran.
DYC est informé de ce problème, et nous assure qu'il prendra en charge les frais de réparation du câble de commande moteur, comme ceux du changement de la mèche de safran...

Je trouve rapidement Daniel, un mécanicien local recommandé par la capitainerie 
Il parviendra à extraire le morceau d'écrou restant, mais en abîmant hélas le filetage du secteur par la même occasion, m'obligeant à chercher un nouvel écrou plus long pour espérer le faire tenir jusqu'à Canet en Rousillon .
Nous re-connectons le secteur et le safran avec le nouveau boulon...
Nouvelle déconvenue, le boulon qui a cassé lors de la traversée a élargi le trou dans lequel il passe dans la mèche, l'ovalisant !
Nous déciderons de remonter le tout avec l'araldite en espérant que cela tienne jusque qu'a notre destination !

Daniel a pu trouver un câble de 10m pour remplacer celui de.. 5m défectueux !
Il me dit qu'il peut en commander un à la bonne dimension, mais qui n'arrivera que dans
3 semaines...
Nous ferons avec

Eric, Protinus...
durant notre bien agréable escale à Horta
je fais la rencontre d'Eric un personnage étonnant


Eric est un "tourdumondiste" multi-récidiviste qui a passé l'essentiel de sa vie sur des bateaux
Il vit depuis longtemps sur Protinus, un ancien chalutier toujours dans son jus, qu'il a équipé de voiles et pis c'est tout !


Protinus.
Eric est sorti de la prison de Ste Lucie il y a 6 mois à peine.
Un clandestin a tenté de monter à bord de Protinus alors qu'il était au mouillage à Ste Lucie. 
Eric le repousse, le clandestin repart à terre à la nage et disparaît.

Le problème surgira plus tard, quand le clandestin décèdera d'un infarctus.
Aucune trace de violence physique ne sera constatée.. 
Mis Eric se retrouve en prison !!
C'est avec l'aide du consulat français qu'une négociation se mettra en place,
Eric acceptant de plaider coupable pour obtenir sa libération après...
5 années de préventive sans jamais avoir été jugé !
Le voyage peur réserver de drôles de surprises... 
Sic !
Bon vent, Eric


Départ de Horta ! 9 août 2017,

Les travaux sont finis, le bateau est propre, l'avitaillement fait, 
et nous avons assez de gasoil, en principe, dans les réservoirs pour arriver à Gibraltar 
où je prévois de faire le plein.
Du vent est annoncé pour les prochains jours qui devrait nous permettre de rejoindre à la voile Gibraltar distant de 1100 nm dans de bonnes conditions 
Nous venons de passer Ilheu, protégés par Pico,
le vent et la houle se sont calmés 


Nous quittons le port d'Horta poussés par une belle brise nous menant sur la route 
qui doit nous faire passer entre Pico et et Saao Jorge.
Nous apercevons Protinus derrière nous, qui a aussi décidé de profiter de la fenêtre météo.

Alors que nous approchons de Pico, le vent tombe subitement, avant de changer de direction plusieurs fois, puis se renforce brutalement en venant cette fois de face...
Nous réduisons la toile, rentrons le gennaker et établissons le génois sur une mer 
devenant de plus en plus forte. 
Yann pas encore amariné ne bronche pas, mais la navigation n'est pas des plus confortables.
Nous virons à mi chemin entre les 2 îles pour revenir nous abriter au pied de Pico et allumer les moteurs, rasant l'île à l'abri d'une houle toujours plus forte.
Le vent et la mer semblent se calmer en fin d'après midi 
après avoir dépassé Ilheu.
Yann dort, je remets les voiles et nous reprenons une route qui nous permet presque de passer au vent de Saao Jorge.
Je salue une dernière fois le Pico...
Adios, Pico !
Nous devrons effectivement tirer un petit contre bord à l'approche de Saao Jorge alors que la nuit tombe, avant de nous diriger vers Terceira que nous devrons laisser à tribord avec un vent qui ne cesse de refuser
Nous passons une seconde journée en faisant route vers le nord est 
espérant retrouver des vents favorables qui doivent nous accompagner ensuite
en ligne directe vers Gibraltar.
C'était sans compter avec...l'anticyclone des Acores bien décidé à ne pas nous lâcher !
Nous allumons à nouveau le moteur, en faisant route directe vers l'objectif, Gibraltar. 
Nous passerons encore 3 jours ainsi, fuyant des hautes pressions toujours à nos trousses 



12 août, Northern Monument 
Nous n'avons plus beaucoup de gasoil dans les réservoirs au grand désespoir de Yann
qui a visiblement besoin d'être rassuré, quand je vois apparaître sur l'écran AIS 
Northern Monument, un "bébé" allemand de 1000' (333 mètres) qui fait également route vers Gibraltar.

Je l'appelle à la VHF lui demandant s'il pouvait nous dépanner..
Le second nous indique qu'il va demander l'accord du commandant,
et nous confirme son accord 2' plus tard.
Il nous demande de quel type de carburant nous avons besoin..
Ces géants des mers fonctionnent avec du pétrole lourd, que n'apprécieraient pas nos injecteurs

Nous voyons approcher à grand vitesse une masse gigantesque, qui se fait maintenant menaçante.
Nous avons déjà affalé la GV, sorti les pare battages.
Le pilote m'indique qu'ils me passeront des bidons de gasoil (le bon) par une porte située sur son tribord, à l'arrière de son cargo, et me demande de faire le tour de son bateau par son bâbord.
Mais, une fois le micro reposé,
je me retourne et vois la proue de Northern Monument qui se dirige droit vers nous, alors que Northern Monument a déjà entamé un virage sur sa gauche.
Je décide de foncer directement sur son flanc droit, convaincu que c'est bien moins risqué..
Moment d'inquiétude du pilote qui ne nous voit plus devant sa proue, et me demande, paniqué, où nous sommes ...

Le choix que j'ai fait semble avoir été bon, nous trouvons la porte ouverte à l'arrière du cargo et nous mettons à couple avec le monstre.
Nous nous sentons vraiment tout petits accolés à cette masse dont
la coque est recouverte d'un antifouling orange fluo gluant et visiblement pas sec, 
qui ne tardera pas à repeindre nos pare-battages aux couleurs des Pays Bas ! 
5 indonésiens apparaissent par la minuscule porte et nous tendent des bidons de gasoil,
accompagnés d'immenses sourires que Yann et moi n'oublieront jamais !

Northern Monument reprend aussitôt sa route vers Gibraltar,
nous les remercions une dernière fois par la VHF, 
L'équipage de Mont-Blanc est euphorique après avoir vécu  
ce magnifique moment de solidarité en mer...
Yann le premier, qui n'imaginait même pas que j'allais oser demander 
à ce géant des mers de s'arrêter pour nous donner un peu de gasoil.

on a finit par trouver la porte
Et ses 5 philippins au sourire sans fin...
Nous passons les 2 derniers jours nous séparant de la cote portugaise
poussés par des vents bienvenus !
Il semble que nous ayons définitivement dit adieu à l'anticyclone, ouuuuf,
et nous nous apprêtons à maintenant à croiser la sortie des 6 chenaux 
réglementant la circulation des bateaux devant cabo de Saao Vicente.
Dernier lever du soleil avant la Terre!

16 août, 
Nous y sommes
La côte portugaise est devant nous, alors que des cargos apparaissent de tous cotés.
Il faut être vigilant car ces monstres sont pas très manœuvrants
et il serait inconvenant d'exiger la priorité qui est due à nos bateaux à voile.

où sommes nous ?
 


Nous venons de parcourir plus de 1100 miles en 7 jours.
Plus long que prévu, mais nous sommes heureux d'avoir passé de superbes moments ensemble.
Le soleil se couche avant une nuit qui doit être la dernière en Atlantique. 
Le vent qui souffle à 15 nds depuis près de 3 jours forcit, 
Mont-Blanc surfe sans difficulté apparente sur une houle qui nous vient de l'arrière
en ligne droite vers Gibraltar.

Nous avons dîné, et Yann va se coucher.
Le vent monte encore, mais je ne suis pas inquiet, la météo n'annonçait pas de renforcement pour la nuit
J'attribue ce phénomène au passage du cap.
Une rafale plus forte fait décrocher le pilote.
Je reprend la barre alors que les rafales dépassent rapidement 30 noeuds,
35 et même 40 nds..
J'appelle Yann à la rescousse qui sort instantanément de son lit
pour venir m'aider à affaler la GV.
L'opération est rondement menée, mais il était temps..
Je n'ai pas été assez réactif avec ce vent dans le dos qui diminue le vent apparent !
Je veillerai à ne plus me laisser surprendre !

Une heure plus tard, le vent s'effondrera totalement,
Il nous reste 150 nm à parcourir jusque Gibraltar
Nous décidons au petit matin alors que la mer est d'huile de bifurquer sur Faro pour refaire des provisions et du gasoil
Nous entrons à la mi-journée dans la passe qui bouillonne.
La marée descend et les courants sont violents !
Nous décidons de nous diriger vers l'est pour rejoindre le petit port d'Olhao,

Nous découvrons un étonnant paysage de lagunes bordées de bungalows  
La lumière est laiteuse, une brume de chaleur réduit la visibilité dans un paysage lunaire,
pas vraiment joli.
Un ballet incessant de bateaux de pêche et de tourisme nous oblige à rester attentifs
dans un chenal zigzaguant au gré des fonds sablonneux peu profonds.

Nous finissions pas trouver la station de gasoil, 
Il faut appeler un employé qui nous dit qu'il devrait arriver d'ici une heure...
Yann entreprend de trouver des produits frais, 
L'employé arrivera plus rapidement que prévu.
Il parle français et échange volontiers sur sa passion pour le...bateau et la mer.
Le pistolet décroche avant que nous ayons ajouté les 200 litres demandés. 
Son compteur serait-il défectueux ?
Non,.. je regarde, le réservoir est effectivement plein !

Le descriptif technique de Catana indique 6 réservoirs de 110 l, 
soit 660 de capacité totale !?

Je n'aurai la réponse que plus tard à Canet, en discutant avec les techniciens de Catana convaincus eux aussi, qu'il devait y avoir 600 litres de capacité sur Mont-blanc 
La version charter que nous avons a été amputée de la moitié de sa capacité en gasoil pour laisser une baille de plus disponible pour ses clients.

Nos avons donc traversé l'atlantique avec seulement 300 l de gasoil, plus 4 bidons de 80 achetés sur place, et il nous restait près de 80 à Horta...
Mont-Blanc est un voilier,
c'est pas plus mal comme cela ! 

Nous  reprenons aussitôt notre route vers Gibraltar dans une faible brise,
Les lumières du soir qui auraient inspiré Turner, sont sublimes.
Nous ne parvenons hélas pas à en saisir toute la beauté avec nos iPhones, 
bijoux de technologies incapables d'approcher la finesse de l'oeil humain.

Une œuvre de Turner ? Non simplement les incroyables lumières de l’estuaire de Faro !

La nuit se passe dans le plus grand calme
La mer est d'huile, le vent nous obligeant à mettre rapidement un moteur en marche.
A l'approche de Cadix, nous devons surveiller les ballet incessant des pécheurs qui naviguent en cohorte, s'éloignant apparemment de notre route, avant de faire tous demi-tour en fonçant vers nous. 

Nous sommes à la voile, et laisserons toujours un espace suffisant entre eux et Mont-Blanc
pour éviter de les gêner.
A l'approche de Conil, nous traversons une véritable marmite durant un bon mile...
La zone est répertoriée sur nos cartes pour générer ce genre de phénomènes...
Nous approchons de Tarifa, les courants se font sentir
et le vent aussi qui se renforce sensiblement.

C'est à l'approche de Valdevaqueros, la plage mythique que le windsurfeur 
que je suis a déjà eu l'occasion de sillonner de ses ailerons,
que nous allons passer 2 bien mauvaises heures avec un vent de de face de
30 nds, sur une mer très hachée.
Les planches et les kites glissent, venant nous narguer alors que Mont-Blanc est à la peine.
Les 2 moteurs tournent à bon régime, 
Mont-blanc vient taper une à une des vagues verticales et très courtes
donnant  l'impression qu'il va se briser à tout moment.

Nous voyons maintenant le phare de Tarifa approcher
La renverse de marée apporte un calme relatif, le vent est toujours aussi fort
mais les vagues de Valdevaqueros sont derrière nous, 
au grand soulagement du Cap'tain !


Le phare de Tarifa..Ouf !
Nous contournons le phare, virage à gauche et nous nous dirigeons au moteur vers l'est
et Gibraltar distant d'une douzaine de miles.
Nous croisons un beau voilier sortant du détroit toutes voiles dehors... pas peur ! 
il nous salue avant de partir violemment au lof !
Tout finira bien pour lui, heureusement.

Nous voyons bientôt apparaître l'entrée de la baie de Gibraltar 
que nous laisserons sur bâbord
Yann est un entrepreneur, et ses affaires le rappellent.
Nous convenons de poursuivre notre collaboration jusqu'Almeria
d'où il rejoindra Malaga pour retourner dans les Alpes.
Le vent est tombé, et c'est comme prévu, au moteur et dans une mer d'huile 
que nous naviguerons toute la nuit vers Almeria

J'assiste durant mon quart à un spectacle exceptionnel !
Des dauphins sont venus jouer dans la nuit étoilée avec les étraves de Mont-Blanc
La mer est chargée de phosphore...
Et ce que je vois, c'est la forme des dauphins nageant dans l'eau
dessinée par le frottement de leur peau dans une mer phosphorée 
Je fonce chercher ma Gopro pour saisir ce moment magique,
que vous ne verrez pas...
La Gopro pas plus que son cousin iPhone ne pourra graver ce moment inoubliable !
Désolé, 
pour assister à ces merveilleux spectacle
Il faudra vous résoudre à nous rejoindre sur Mont-Blanc, et avoir la chance de retrouver ces exceptionnelles conditions !

18 août
Nous approchons d'Almeria
La 4G et la fin du roaming en Europe font merveille
Sabine a laissé une annonce sur la bourse aux équipiers, hier soir alors que nous franchissions Gibraltar, et nous avons un équipier, Bernard, déjà en marche pour nous rejoindre.

Alors que Sabine me confirme la bonne nouvelle, je vois ma canne à pêche prendre un angle bien sympathique indiquant que nous allons enfin manger du poisson frais...
C'est la joie à bord !
Les observateurs avisés remarquerons que le Cap'tain
a perdu plus de 10 kg depuis notre départ du Marin !
Perte de poids que j'attribuerai plus au manque de sommeil
et à la pression, car nous avons pu manger à notre faim durant toute la traversée  
Nous venons mouiller dans la grande avancée du port qui nous permet de poser
tranquillement notre ancre.
Nous allons nous régaler avec Yann dans un petit restaurant sur le port 
avant d'aller nous coucher pour une nuit qui s'annonce réparatrice.




Nous sommes réveillés vers 6h du matin par...
Bernard, qui vient d'être déposé en blablacar !
Rapide le gaillard !
Adieux avec Yann qui part rejoindre ses montagnes et son entreprise,

Bernard, visiblement impatient de prendre la mer, m'invite à mettre les voiles de suite.
Il est prof de maths, à Montpellier, amoureux lui aussi de la mer,
Il a encore 2 petites semaines devant lui avant la rentrée pour se faire plaisir,
Il aime naviguer sur des bateaux rapides, dont il règle les voiles méthodiquement.

Nous relevons l'ancre, et commençons à sortir du port
La météo annonce des vents de 25 nds...
Bernard, très motivé souhaite partir avec toute la toile...
Le vent n'est pas encore très fort, je le laisse faire...
10' plus tard, nous prenons un ris, qui deviendra un 2é une heure plus tard
Le vent continue de forcir alors que nous approchons du Cabo de la Gata 



Bernard est parti dormir.. la nuit de voyage depuis Montpellier a été longue.
Nous franchissons le cap avant de nous retrouver comme prévu avec un copieux vent de face qui nous obligera à mettre les moteurs en marche, jusque à notre arrivée au petit matin
dans le minuscule port de Cabo de Palos, à l'est de Cartagena.
     
Nous attendons qu'une dame vienne mettre la station en route rien que pour nous.
Bernard prend son masque, son tuba et en profite pour aller nager une bonne heure.
Une fois le plein fait, nous reprenons notre route longeant la Costa blanca
qui doit nous mener au Cabo de la Nao distant de 90 nm.

Les conditions sont superbes,
14 nds de vent d'est, mer belle,
Mont-Blanc glisse sans effort à 9,5 nds, dérives légèrement baissées 
Un régal !
Petits îlots au large de Torrevieja, (Mar Menor)

Nous atteignons en fin d'après midi Alicante.
Je me rappelle que Paco, mon collègue, "voisin" et ami de Valladolid
est venu dans les parages reprendre la direction d'un magasin Leroy Merlin..
J'appelle mon ancien magasin à Salamanca pour obtenir son nouveau numéro 
et je me retrouve à parler avec Paco 
qui se trouve en fait à...3 km de Mont-Blanc !

Après une tentative infructueuse, dans le trop petit port de Sangueta 
nous trouvons un mouillage tranquille à Albuferata un peu plus au nord
Retrouvailles et beau moment avec Paco que je n'ai pas revu depuis 7 ans,
qui a fondu lui aussi, après hélas 2 infarctus...
Il est contraint de mener une vie beaucoup plus saine, 
mais apparaît en pleine forme et heureux
Génial !


Islas de Tarabaca Costa Blanca
21 août
Nous reprenons notre route le lendemain retrouvant la même brise thermique 
que la veille, qui nous accompagnera au delà du Cabo de la Nao.
Encore une magnifique journée de navigation entre les fermes marines, et,
hélas les horreurs de la Costa Blanca,
dont Benidorm est incontestablement le chef-d'oeuvre absolu !



La nuit va tomber, nous passons le cabo de la Nao à vive allure
A plus de 10 nds, Mont-Blanc nous fait plaisir !
2 heures du matin
Le vent est tombé, nous avançons doucement à la voile, tribord amure.
Un voilier au moteur sans AIS apparaît soudain sur notre tribord 
à quelques mètres de Mont-Blanc !!!
Il vient sans doute de Palma, et a bifurqué au dernier moment !
tout finit bien.

Nous chercherons un vent qui ne fera que faiblir tout au long de la nuit.
Nous aidant parfois au moteur pour aller chercher la légère brise 
sensée s'accélérer entre les îles des Baléares...
brise que nous ne toucherons pas 

23 août,
Le lendemain, c'est moteur et GV pour "appuyer".
alors que nous sommes au large de Tarragona...
retour en mer connue !
Il fait un temps splendide, Bernard a envie de piquer une tête !
bonne idée, je prépare une aussière..
(longue "corde" pour les néophytes, qui servent à nous relier aux bites, anneaux et autres appendices présents à cet effet sur les quais de tous les ports du monde)
quand j'entends un plouf, suivi de quelques battements rapides de bras, puis...
d'un cri de détresse !
Bernard a plongé alors que le bateau n'est pas encore arrêté 
Il a beau être bon nageur,..le bateau avançait plus vite que lui !
J'arrête Mont-Blanc, 
non sans avoir laissé quelques secondes passer pour...savourer le moment ! 

Je finis de frapper mon aussière sur une jupe arrière, 
et vais à mon tour profiter d'une belle baignade bien méritée !
Normal, je viens de sauver une vie !!!

Je fais un petit coucou par SMS à Elo en fin d'après-midi..
Nous longerons la cote barcelonaise dans la nuit,
ça sent l'écurie !

24 août 
Nous venons de passer Begur au petit matin 
avec un vent qui va soudain nous venir de face.
Moteur pour passer de surprenants cailloux.



Nous nous faisons ensuite plaisir en longeant toute la baie de Rosas à la voile
à plus de 10 nds, virons de bord devant Canyelles, cap 90°

Je reprend la barre au désespoir de Bernard
pour tirer le dernier contre bord qui doit nous permettre de passer cap Creus,
terreur des marins par jour de forte tram (tramontane)
et dernier virage pour nous avant la fin de notre belle Odyssée !  

C'était sans compter avec dame nature
qui nous noie en quelques minutes dans un épais et chaud brouillard !
Bernard déçu d'avoir du lâcher la barre, est parti dormir,
Une fois le contre bord effectué, par visibilité nulle,
je décide de rentrer le génois afin de diriger Mont-Blanc vers Creus au moteur.
quand je vois soudain apparaître sortant de la brume 
le magnifique spi jaune d'un cata glissant dans un silence total vers le sud.
J'allume le radar, et redouble la vigilance.

La brume disparaît comme elle est venue...
Nous passons Creus dans une mer belle au moteur 

dernier virage, cap au 330°
Nous arriverons en fin d'après-midi à Canet
après une dernière belle ligne droite, régulièrement au dessus de 9 nds
au genak (gennaker est une voile puissante pour des vents légers médiums)
par mer belle avec un vent revenu ne dépassant 15 nds

L'arrivée se passe sans encombres
Catana a prévu pour nous un emplacement sur le ponton W

Nous sommes accueillis par Todd & Virginia sur Eversole, un Catana 471,
un couple super sympa, qui n'hésitera pas à mettre son annexe à l'eau pour passer les amarres sur les bouées, 
alors que le personnel de Catana est en encore en vacances.

Ça fait un bien fou de voir des bras et des mains se tendre quand on est fatigué
par un périple qui aura duré 1,5 mois, dont 8 jours passés aux Açores.
Thanks a lot Todd & Virginia !

Bernard a trouvé un blablacar pour le ramener à Montpellier
La grande aventure se termine, nous assurons les amarres...
Nous sommes au pays de la tramontane...

Je retrouve Sabine avec émotion
Nous laissons Mont-Blanc au ponton, et rejoignons l'appartement de Thuir
qu'a trouvé Sabine pour passer les 3 prochains mois durant lesquels
nous allons préparer Mont-Blanc pour un TdM (tour du Monde) 

Un bon lit, bien frais à deux !
C'est bon !